Avant l'arrivée du chemin de fer, les Guignicourtois traversaient la rivière par un bac à la descente duquel ils trouvaient un chemin menant vers Condé-sur-Suippe. Il n'existait de pont de pierres sur l'Aisne qu'à Neufchâtel et Berry-­au-Bac. Depuis le village, l'accès au bac s'effectuait en empruntant la rue du Passage, devenue rue du Bac depuis la reconstruction.
1855
L'adjonction d'une passerelle suspendue, entre les arches du pont ferroviaire, destinée à remplacer le bac représente un coût supplémentaire que la Compagnie des Chemins de Fer n'entend pas supporter dans sa totalité. Elle sollicite auprès du ministère une subvention de 10000 F et l'autorisation d'instituer un péage.
1856
Un an plus tard, le 14/11/1856, la subvention est allouée et l'institution du péage autorisée par décret impérial. : Opposés à cette dernière mesure, les habitants de Guignicourt protestent contre l'établissement du pont suspendu sous prétexte qu'il pourrait ne pas être insubmersible. Une commission d'enquête chargée d'étudier le bien fondé de cette opposition se prononce pour le maintien du projet et rejette la demande des habitants. Une nouvelle demande est formulée par les habitants qui sollicitent une exemption du péage en échange de terrains. Cette demande est encore rejetée et les habitants seront donc soumis au péage.
A la requête du directeur de la Compagnie des Chemins de Fer de l'Est, le droit de péage est concédé par adjudication. Pour fixer la mise à prix de la concession, la Compagnie dresse un état de passage d'une finesse extrême et variée. Toutes les catégories d'usagers et de véhicules y sont représentées simple voyageur, cheval et son cavalier, cheval ou mulet (chargé/non chargé), âne, cheval, âne, vache se rendant au labour ou au pâturage, mouton, chèvre, cochon de lait, paire d'oies ou dindons (liste non exhaustive !...)
Le gardien est logé dans une petite construction sous la voûte côté Guignicourt. En plus de la perception du péage, il est chargé de veiller au respect des règles de circulation sur la passerelle. Soucieux d'alléger les habitants de la charge que représente le péage, le conseil général de l'Aisne obtient de l'administration le rachat du pont-route. Le péage est supprimé en
1880.
1914
Le pont de Guignicourt à 3 arches qui donnait passage au chemin de fer de Laon à Reims et au chemin d'intérêt commun N° 12 a été détruit pendant les premiers jours de septembre 1914 par le génie militaire français. Dès le 23 septembre 1914, la Compagnie des chemins de fer de l'Est demande s'il y avait lieu de reconstruire le pont avec ses dispositions anciennes. Sur ce pont, la voie ferrée occupait la partie supérieure et la voie de terre empruntait un tablier en bois suspendu sous les 3 voûtes de l'ouvrage à 6 m environ en contre bas du niveau des rails. A chaque extrémité, le tablier se bifurquait en 2 branches dirigeant la circulation sur les 2 côtés du remblai.
Ce type d'ouvrage avait été adopté à la construction du chemin de fer par raison d'économie, mais il présentait au point de vue de la circulation routière de très graves inconvénients.
*  Tournants très courts aux extrémités de l'ouvrage
*  Visibilité très mauvaise qui rendait la circulation dangereuse
*  Etroitesse des passages ( 3 m ) à travers les piles et faible hauteur des voûtes
*  Faible résistance du tablier en bois ( charge maximum de 4500 kg )
*  Traversé des lourdes charrois de betteraves que les communes du nord de l'Aisne envoient à la sucrerie Barbarre à Condé-sur-Suippe.
*  Transports de matériaux, céréales, produits agricoles à destination des mêmes communes en provenance du port de Guignicourt sur le canal
*  Circulation importante entre la gare du chemin de fer de Guignicourt et les communes du sud de l'Aisne.
Il y avait donc lieu de profiter de la reconstruction de l'ouvrage pour construire un pont route indépendant. La question fut soumise au Conseil Général de l'Aisne dans sa session d'avril 1915.
1919
Construction d'un pont provisoire en bois
1923 - 1924
La construction de ce pont fut confiée à l'entreprise ANTOINE, BOYET et RENVOISE en date du 12 septembre 1923, et les travaux ont commencé le 16 septembre de la même année.
C'est un ouvrage en béton armé formé par 2 poutres latérales formant garde corps et supportant le tablier. Ces poutres sont continues à section variable et reposent sur 2 piles intermédiaires. Le pont est légèrement biais à 82°, déterminé de manière que les axes de chaque pile et le centre de la pile du viaduc du chemin de fer situé en amont soient sur un même filet d'eau.
Les dimensions du pont sont les suivantes :
Longueur totale : 65m34
Portée totale : 64m74 dont 3 travées de 19m92, 24m90 et 19m92
Largeur totale : 7m50 composée d'une chaussée de 5m50 et 2 trottoirs de 1m00
Hauteur des poutres au dessus des appuis sur culées et au milieu 2m00
Hauteur des poutres au dessus des appuis sur piles 3m25
Le tablier a une hauteur uniforme de 1m00 répartie en 0m02 de chaussée, 0m25 de chape et 0m73 de hourdis et entretoises
La chape est recouverte de 2 couches d'émulsion d'asphalte.
Des gargouilles seront ménagées entre chaque entretoise des 2 cotés du pont près des caniveaux.
Les trottoirs sont recouverts d'un enduit de 0m02 d'épaisseur sur lequel sera figuré un quadrillage, ils ont en outre une pente de 0m02 par mètre vers le caniveau.
Les piles ont 9m50 et 10m50 de longueur au sommet et à la base 1m30 et 2m00 de largeur. Elles sont couronnées par un sommier en béton armé et reposent sur des massifs de fondation de 12m50 de longueur, 4m00 de largeur et 2m25 de profondeur.
Il sera établi un batardeau à chaque pile, composé par 2 enceintes de pieux et palplanches entre lesquelles sera pilonné de la glaise.
Les culées, en béton armé sont constituées essentiellement par des caissons de 8m58 par 4m00 avec cloisons reposant sur semelles armées. Des murs en retour supportent des parapets en prolongement des poutres du pont.
Les appareils d'appui en acier moulé sont tous mobiles et posés sur la culée rive droite et sur les piles. L'appui fixe est réalisé sur la culée rive gauche.
La campagne de l'été 1923 fut très brève, car la crue de l'Aisne se produisit dès octobre et se prolongea tout l'hiver et le printemps 1924 arrêta tous les travaux qui ne purent être repris que le 29 juin 1924. Le 24 août 1924, une crue arrête de nouveau le chantier au moment de couler le béton de fondation de la pile rive gauche et interrompt également les fouilles de la culée rive droite. Le 7 septembre la baisse des eaux permet de reprendre le travail et de terminer la pile et la culée rive gauche malgré une interruption provoquée par une nouvelle crue du 21 au 27 septembre.
Le 31 octobre une crue exceptionnelle et soudaine submerge à nouveau tout le chantier. Le pont provisoire en bois faillit être emporté complètement, si le subdivisionnaire n'avait pris de suite l'initiative de surcharger l'ouvrage au moyen de rails et de fers de récupération.
Le 16 novembre il est possible de reprendre les travaux, les réparations des batardeaux nécessitent l'apport d'une grande quantité d'argile et la mise en oeuvre d'un cube de bois important. Il est également nécessaire de réparer le pont provisoire, de redresser les coffrages de la culée rive droite, de rassembler et de réinstaller tout le matériel qui a pu être sauvé et enfin de rétablir les passerelles de service.
Les réparations de tous les dégâts causés par les crues ne sont terminées que le 30 novembre 1924.
1925
L'épreuve par poids mort et roulant du pont a été exécutée entre le 5 et le 9 septembre. La réception provisoire de l'ouvrage a été prononcée le 9 septembre.
1926
Le 9 septembre eut lieu la réception définitive du pont en présence de l'entreprise ANTOINE, BOYET et RENVOISE qui a construit le pont.
1940 - 1941
Le pont fut détruit en mai. Le tablier et les piles furent complètement détruits par l'explosion des charges de rupture du dispositif de mines du génie français. Par contre les culées pratiquement intactes sont réutilisables. Peu après leur l'arrivée, les troupes allemandes édifièrent un pont provisoire implanté à l'aval et en contre bas de l'ancien ouvrage. Ce passage provisoire est constitué d'un tablier à une voie charretière de 50 m de longueur reposant sur palets en rivière. Le tablier est situé au niveau des hautes eaux. Il a été en partie détérioré au cours de la crue de 1940 / 1941 et risque toujours d'être emporté à chaque crue importante malgré les travaux de consolidation continuels des palées et son état général reste néanmoins précaire.
1945
Sur la demande et les indications des Ingénieurs de l'Aisne, le Service Central d'Etudes Techniques avait étudié en juin 1942 un projet de reconstruction du pont par une voûte en béton armé franchisant l'Aisne d'une seule portée. Des renseignements complémentaires ayant montré qu'il était possible de réutiliser les fondations des piles de l'ouvrage détruit, contrairement aux renseignements qui avaient été fournis en 1941, et les culées étant intactes, il apparut préférable d'étudier un pont à 3 travées de mêmes portées que l'ancien. Ce projet a été confié au Service Centrale d'Etudes Techniques par une décision Ministérielle le 5 novembre 1945. Après un examen en profondeur, surtout de la pile rive droite la plus endommagée, il a été décidé de rétablir les 2 piles à leur emplacement initial. La réfection des piles a été passée par marché de gré à gré avec la Société BAFFREY - NENNEBIQUE. La pile rive gauche sera coulée le mercredi 12 décembre, et la pile rive droite le samedi 22 décembre.
1946
En juillet la reconstruction du tablier du pont ainsi que les appareils d'appui sont confiées à la même entreprise BAFFREY - NENNEBIQUE qui a construit les fondations un an plus tôt. Le résultat est un pont à 3 travées solidaires à poutres sous chaussée présentant un biais de 82° par rapport à la rivière. Les portées respectives des travées entre axes des appareils d'appui sont 19m85, 24m82 et 19m85. L'ouvrage porte une chaussée de 6m00 et 2 trottoirs de 1m00 chacun. Le profil en long sur l'axe de l'ouvrage est constitué par une pente constante de 1,6% . La dalle sous chaussée a une épaisseur constante de 18cm d'épaisseur. Elle est portée par 3 poutres égales réunies par des entretoises d'appui de 30 cm et des entretoises courantes de 20cm. La chaussée de 5 à 6,3 cm d'épaisseur est en gravillons enrobés. Elle repose sur la dalle avec interposition d'une chape d'asphalte de 1cm. Les appareils d'appui de l'ouvrage comprennent sur les piles un appui fixe côté rive gauche et un appui mobile constitué par des pendules munis d'articulations du type Freyssinet côté rive droite. Des appuis mobiles constitués par 2 feuilles de zinc sont installés sur la culée rive gauche et des rouleaux de béton armé fretté sur la culée rive droite. Les trottoirs sont constitués par des dallages en béton de 6cm recouvert d'un enduit asphaltique de 1.5cm. Ces dallages reposent sur du sable. Les bordures de trottoirs sont épaulées par des murettes en béton armé de 15cm d'épaisseur. Le garde corps est constitué par des tubes métalliques et des poteaux en béton armé.
1977
Suite à une inspection détaillée du pont, la réparation du tablier est nécessaire. Pour ce faire, le pont est interdit à la circulation, l'armée installera un pont provisoire de type Belley sur les palées provisoires qui restera en place un an.

DOSSIERS : ( Archives Départementales de l'Aisne : N° 1 WPR 320 )
Situation du pont